DKV URBAN TRAIL DE LUXEMBOURG- La GranDucale
LA TOURNÉE DES GRANDS DUCSDénivelé à gogo, macadam à tire larigot, verdure sortie de derrière les fagots. Voici quelques ingrédients qui font un bon Urban Trail. Le terrain de jeu proposé par les organisateurs luxembourgeois est de toute beauté et réserve plus d'une embûche à celui qui s'y lance à corps perdu. Des milliers de marches à gravir, une flopée de rues pavées, une forteresse imprenable, des sentiers de forêt vallonnés et même un long tunnel minier, l'exercice ne manque pas de piquant. Ce dimanche 17 avril, j'étais au départ de la plus longue des trois épreuves inscrites au menu (la GranDucale avec ses 34km), au cœur de la capitale du Grand-duché. Il n'y avait pas d'ascenseur, alors j'ai pris les escaliers. Récit de course.

Petite pause devant l'arche d'arrivée juste après la remise des prix. Ce dimanche 17 avril, c'était la tournée des Grands Ducs. Au Luxembourg, il a plu des bouquets de fleurs.
Samedi 16 avril. En veille de course, comme d'habitude, Carole et moi prenons la route en musique. Pour ce trajet, j'ai ressorti quelques bons vieux classiques du rap français période années 90. La plage N°2 des « Chroniques de Mars » tourne en boucle dans le poste CD. « La garde meurt mais ne se rend pas. Meurt mais ne se rend pas. Ne plie pas, ne casse pas... » Les paroles de Shurik'N et de Faf Larage donnent envie d'en découdre. Elles donnent envie de guéroiller sur le champ de bataille, de voir un château réduit en cendres et des troupes prisent en tenaille. Mais, avant de partir au combat, mon fier destrier a besoin de repos. Il faut lui trouver une écurie digne de ce nom pour passer la nuit.
Pour cela, une chambrette nous attend au Grand Hôtel Cravat, l'établissement est situé à deux pas du départ. Tant mieux, ça nous évitera d'avoir à marcher de trop pour récupérer mon blason de coursier. Pour autant, on ne se prive pas d'une bonne virée dans les boutiques pimpantes du centre-ville. La vue depuis la chambre que nous occupons au dernier étage, est splendide, on ne s'en lasse pas. Notre fenêtre donne directement sur les jardins qui descendent jusqu'à la Vallée de la Pétrusse et surtout sur la place de la Constitution où le traditionnel « Marché de l'Octave » s'est installé avec ses allures de kermesse, ses baraques pleines de surprises, ses échoppes de restauration et ses stands de jeux. On ira flâner dedans, demain, après la castagne. En soirée, pour faire le plein de pâtes, j'ai déniché une bonne auberge italienne. J'ai demandé à être servi dignement et je n'ai point été déçu. Demain, après la baston nous pourrons festoyer comme des rois. Nous conterons nos glorieuses batailles lors d'un banquet avec au centre de la Table-Ronde deux ou trois gibiers. Perceval, notre brave tavernier, se fera un plaisir de nous servir à boire jusqu'à plus soif. Mais, pour le moment, l'heure n'est pas au festin. Je dois d'abord affronter et vaincre une horde de loups avant de penser à ce qu'il y aura dans mon écuelle. Un dernier petit tour en ville et nous grimpons en chambre pour une bonne nuit de sommeil. En attendant que le marchand de sable se pointe, j'allume la téloche et je zappe. Du flash info au polar amerloque en passant par le cabaret de Patrick Sébastos, tout y passe, rien ne m'échappe.

La course à pied, c'est mon rayon. Même au supermarché, "je suis toujours dans la COURSE "
Depuis la fenêtre de notre chambre, on pouvait admirer la place de la Constitution et la statue de
« la femme dorée» qui surplombe l'obélisque du Monument du Souvenir.
Dimanche 17 avril, 10h40. Il fait frais mais c'est sous un grand ciel clair que le départ est donné. Le peloton quitte la Cité Judiciaire en empruntant le Boulevard Roosevelt, passe devant la Cathédrale Notre-Dame, et une fois parvenu à hauteur du Grand Hôtel Cravat, bifurque sur la droite. Juste au moment de tourner, à hauteur de la place de la Constitution, la statue de « la femme dorée» qui surplombe l'obélisque du Monument du Souvenir me toise du regard, mais je n'ai pas le temps de l'admirer car le rythme imposé en tête de course est soutenu. C'est à une demi-douzaine que nous pénétrons dans les artères de la ville en zigzaguant à travers une multitude de ruelles pavées. La Place du théâtre, le Palais Grand Ducal, le cadre est prestigieux. Un petit groupe s'est formé à l'avant de la course. Je ferme la marche, en attendant, les premières marches d'escaliers.
Devant, ça cavale. Sachant que la GranDucale ( l'Urban Trail de 34km) peut aussi se disputer en relais, je me demande bien qui court quoi. Je sais que les dossards marqués d'une barre orange sont portés par les trailers qui disputent la course à titre individuel mais je ne veux pas m'amuser à passer tout le monde en revue. Du coup, pour en savoir plus, et éviter toute confusion, j'interroge le premier coureur qui me tombe sous la semelle, celui qui me devance d'une foulée. S'interrogeant, sans doute, lui aussi, mon compagnon de route s'adresse aux autres trailers qui nous emboîtent le pas, à haute-voix, dans un anglais parfait, avec un accent qui me laisse penser que j'ai affaire à un citoyen britannique.
Lorsque tout le monde abat ses cartes, j'apprends que parmi les six hommes qui composent le peloton de tête, un seul dispute le relais. Mais il sera rapidement distancé, laissant place nette à un quintet filant avec le même objectif en tête : arriver au bout de ces 34km au profil exigeant, et si possible en premier.
Surnommée « Gibraltar du Nord », Luxembourg est un condensé de l'histoire européenne. Située dans un environnement naturel exceptionnel, la ville fut prédestinée à devenir une forteresse. C'est sur un éperon rocheux très escarpé que les bâtisseurs venant de toutes les nations d'Europe ont construits les fortifications de la vieille-ville. Aux pieds des murailles, qui surplombe la vallée, nous sommes cinq à mener la charge. À mes cotés, on retrouve Alexander Frazer, Jean-Pierre Serafini, James Dunn et David Karonei. Ensemble, nous enchaînons plusieurs passages sous voûtes, et glissons à travers des portes impressionnantes. Au loin, le Pont Rouge de la Grande Duchesse Charlotte barre majestueusement l'horizon. Chemins de ronde, donjon, meurtrières effrayantes, casemates souterraines, c'est dans un décor médiéval que nous paradons fièrement tels les chevaliers de la table ronde s'unissant d'une même passion dans une longue quête. Luxembourg est un coffre-fort qui recèle en son cœur bien des trésors. Pour conquérir la ville, nous allons croiser le fer dans une lutte sans merci.
Au bout d'à peine une demi-heure de course, David Karonei, un athlète luxembourgeois d'origine kényane, qui est venu s'essayer au trail, semble avoir des fourmis dans les jambes. À force d'attaquer sans arrêt, il finit par se détacher, et petit à petit, il grignote quelques longueurs. De mon coté, je ne réagis pas, ayant prévu de produire mon effort une fois passé les deux-tiers de course. Je me dis simplement que s'il gagne comme ça, en partant de si loin, c'est qu'il est sacrément fort. Car une flopée d'embûches, nous attendent encore en cours de route. Notamment, des escaliers qui sur le chemin sont légion, en bois, en béton, droit, tournant, et même en colimaçon. Les centaines de marches à gravir cassent bien le rythme mais offre aussi un petit coté amusant, pour ne pas dire ludique, à l'épreuve.


L'Urban Trail se dispute dans un cadre somptueux. Le Grand-Duché offre un formidable terrain de jeux à tous les participants. Un millier de marches à gravir, une multitude de rues pavées, des fortifications, des sentiers forestiers et même un long tunnel minier, l'exercice ne manque pas de piquant(s).
Sur la trace des seigneurs du Saint-Empire, certains passages sont si étroits qu'on ne peut pas courir côte à côte, c'est donc en file indienne que nous progressons. Les virages sont extrêmement serrés entre deux blocs de pierre. Les relances sont nombreuses, il faut être vif comme l'éclair pour demeurer au contact. Au premier point de contrôle David Karonei compte 19'' d'avance sur Alexander Frazer et moi.
Après avoir fait le tour des fortifications, nous quittons les remparts du bastion de Vauban pour nous engouffrer dans la Vallée de la Pétrusse. À l'intérieur de ce joli parc verdoyant, nous filons de chemin et chemin et empruntons quelques charmants «single track», parfois en devers. Rocailles, racines, jolis petits sentiers en balcon le long de l'Alzette, après le macadam, la nature reprend ses droits dans ce Trail. Derrière l'homme de tête, qui ne parvient pas à faire le trou (l'écart n'a pas bougé, il est toujours de 19'' au second point de contrôle), nous sommes trois, j'accompagne Alexander Frazer et Jean-Pierre Serafini, deux trailers luxembourgeois.
James Dunn nous suit à quelques longueurs, gérant remarquablement bien son effort. L'irlandais n'apparaît jamais dans mon champ de vision, demeurant le plus souvent en retrait, n'hésitant pas à se laisser décrocher pour laisser passer l'orage lorsque les deux cavaliers luxembourgeois démontrent, à tour de rôle, leurs qualités de grimpeur et de descendeur. Dès qu'une bosse apparaît, les embuscades pleuvent. Les attaquent fusent de toutes parts mais ma monture conserve son allure. Régularité, tel est le maître mot.
Dans la forêt, les pluies soutenues de ces derniers jours ont fait leur effet. La boue est présente un peu partout sur les chemins. Nous dévalons et grimpons un nombre incalculable de pentes. Elles ne sont jamais bien longues, mais à force, on les sent passer. Certaines d'entre elles sont très glissantes. Avec mes semelles toutes lisses, je joue de prudence dans les descentes abruptes, quitte à perdre un peu de terrain quand l'un des mes adversaires joue les casse-cous.
Au poste de ravitaillement du 20e km (il y en quatre de disposé sur le parcours), je suis à deux doigts de rejoindre le leader de la course, qui s'est arrêté pour boire. Mais lorsque je stoppe à mon tour pour m'abreuver, il disparaît dans un fourré avec le vététiste qui nous ouvre la voie. Depuis le départ, c'est la première fois, que je vois l'homme de tête prendre un gobelet au vol. Peut-être commence t-il à coincer, ou bien gère t-il, qui sait ? Toujours est t-il que la poignée de secondes d'avance qu'il possédait a fondu comme neige au soleil. À vue d'œil, je dirais qu'il doit lui en rester 10'' dans la besace.
Savoir le leader dans le dur me motive alors j'accélère la cadence pour le rattraper. À force de grappiller mètre après mètre, je finis par y arriver juste avant le passage du 25e km. À ce moment là, ma montre affiche « 1h38 » de course.
Lorsque je rejoins David Karonei, il ne cherche même pas à lutter. Le différentiel d'allure entre nous est flagrant. Je le désarme sans difficultés.
Un peu plus loin, en me retournant, je constate qu'il n'y a plus personne dans ma foulée. Mes compagnons de route ont tous disparus. Me voilà seul en tête, à neuf kilomètres de la consécration. Le trône et les joyaux de la couronne me tendent les bras mais la bataille n'est pas terminée.
Je passe au troisième point de contrôle en 2h04'40'', avec près de 2'30 d'avance sur Frazer et Serafini. Les deux trailers ayant souvent fait l'accordéon, se plaçant à tour de rôle à mes cotés, lorsque je menais la chasse derrière David Karonei. J'évoluais un coup avec l'un, un coup avec l'autre. Au grès des difficultés du terrain et des coups de moins bien de chacun.
Cependant, non loin du but, l'homme qui occupe la 2e place du classement n'est pas un de ces deux combattants. L'irlandais James Dunn, en retrait lors du passage au 2e point de contrôle, est, à présent, revenu dans le jeu. Il a laissé faire quand ça se bagarrait tout à l'heure. Il a aussi laissé faire lorsque je m'acharnais à maintenir l'écart avec le premier. Et maintenant, il ne compte plus que 16'' de retard sur moi. Après avoir successivement épinglé Karonei, Serafini et Frazer, l'homme, vêtu (de vert) aux couleurs de son pays fait, à présent, l'effort pour me rejoindre et m'ajouter à son tableau de chasse. Il se faufile au milieu des participants du 27 et du 13km, en espérant arracher la victoire à mes dépends. Il m'a en point de mire, ce qui constitue un avantage certain. Mais, heureusement pour moi, contrairement au vététiste qui m'ouvre la route, je l'ai vu venir celui-là (n'est pas renard qui veut). Confiant en mes possibilités et pas "trop" entamé physiquement, je remets un coup de collier pour assurer la victoire.
À trois kilomètres de l'arrivée, l'ouvreur à vélo m'oriente vers l'entrée d'un tunnel minier. En lui emboîtant le pas, je me retrouve dans les entrailles de la ville. Là-dessous, dans l'obscurité, une vague de chaleur m'envahit.

L'Aquatunnel (mesurant 900m de long) relie la Vallée de la Pétrusse au quartier
Pfaffenthal. C'est une curiosité unique, il n'est ouvert qu'à de très rares occasions.
Au bout du tunnel, un groupe de danseurs tout de rouge vêtus se trémousse sur de la musique africaine. En arrivant à sa hauteur, je vire sur la gauche, passe à travers une étroite porte fortifiée et retrouve la lumière. Dehors un vent de fraîcheur s'abat sur mes épaules. Sur les rives de l'Alzette, Zéphyr fait des siennes mais depuis le départ, le soleil multiplie les apparitions. C'est vraiment agréable de courir dans ces conditions. Au bout d'un dédale de ruelles surmontées d'escaliers métalliques montés, au beau milieu de la chaussée, spécialement pour l'occasion, l'ultime obstacle du parcours apparaît enfin.
Le dernier escalier du parcours, celui qui mène vers la place de Constitution est long, très long, puisqu'il compte près d'une centaine de marches. Heureusement, l'avance que je possède sur mon plus proche poursuivant fait que je peux le monter, à ma guise, sans craindre un éventuel retour. Une fois l'obstacle gravit, je pense en avoir fini avec les escaliers. Mais en fait, non, pas tout à fait... je devrais encore grimper sur la plus haute "marche" du podium, tout à l'heure, lors de la remise des trophées.
Encore quelques foulées sur le Boulevard Roosevelt, nouveau passage devant la Cathédrale Notre-Dame, et me voilà de retour sur le parvis de la Cité Judiciaire. Après avoir abattu les derniers hectomètres qui mènent vers l'arrivée, je lève les bras au ciel. Au moment de franchir la ligne, mon regard s'abîme dans celui de ma compagne qui toute ravie me prend dans ses bras. C'est bon de la savoir "toujours là". C'est chouette à vivre les moments comme ça. Dommage qu'ils soient si rares. Dommage aussi qu'Haloa, notre chère mascotte, n'ai pas pu nous accompagner. Je suis certain qu'elle aussi aurait aimé me voir gagner. Hélas, cette chipie était en déplacement à Berlin pour participer à un défilé de mode canin.

J'ai l'émoi du pilleur devant un butin rare/ L'âme des conquérants, éclatante et barbare
Renée Vivien, Victoire
Vingt huit secondes après moi, James Dunn, le jeune coureur venu d'Édimbourg, franchit à son tour la ligne. Lorsqu'il arrive dans ma direction, je le félicite vivement pour sa bonne gestion de course. Ce matin, il a eu l'intelligence de ne pas se mêler à la lutte pour la gagne, ce qui lui a permis de finir fort. Heureusement que je l'ai vu revenir de l'arrière et qu'il m'en restait encore un peu sous la semelle.
La bagarre fut belle lors de cet Urban Trail disputé dans un décor époustouflant. Nous étions cinq à batailler pour seulement trois places sur le podium. Le grand perdant, dans l'histoire, c'est David Karonei, qui a mon sens a démarré beaucoup trop fort (7e au final). Plus habitué aux joutes sur le tartan ou le bitume, il a tout de même le grand mérite d'être allé au bout. De mon côté, tactiquement, je pense avoir bien joué le coup. En premier lieu, il a fallu maintenir l'écart avec l'athlète parti en éclaireur, puis redoubler d'efforts pour le rejoindre tout en se débarrassant des deux gardes luxembourgeois accrochés à ma botte. Pour finir, il a fallu résister aux assauts du Duc d'Édimbourg lorsque celui-ci lança l'offensive finale. Même si je ne me suis jamais senti en difficulté, l'escarmouche ne fut point de tout repos. Et puis, personne n'est jamais à l'abri d'une défaillance.
Bravo à Monsieur José Azevedo, l'organisateur, et à toute son équipe. Pour mettre en place un tel circuit, il faut être sacrément audacieux. J'ai vraiment pris du plaisir en participant à ce Trail urbain que je recommande chaudement. Au fil des éditions, il rassemble de plus en plus d'adeptes. Ce dimanche, nous étions 2 500 à prendre le départ d'une des trois courses inscrites au programme: la GranDucale (34 km), le Trail des Forts (27 km) et les Traces de Vauban (13 km). Particulièrement exigeant, avec sur l'ensemble des tracés, pas moins de 1 600 marches à gravir, l'Urban Trail de Luxembourg permet de « découvrir la capitale du Grand-duché autrement ». À toutes jambes !
DKV URBAN TRAIL DE LUXEMBOURG
Résultats 34km GranDucale - 17.04.16

La somptueuse remise des prix s'est déroulée sous une énorme tente
1. BAALA Samir FRA 2 0:45:40 2 1:00:35 1 2:04:40 - 2:16:51
2. DUNN James EDINBURGH 5 0:45:55 5 1:01:09 2 2:04:56 - 2:17:19
3. ALEXANDER Frazer CAB 3 0:45:40 4 1:01:00 3 2:07:14 - 2:20:19
4. SERAFINI Jean-Pierre LUX 4 0:45:46 3 1:00:39 4 2:07:47 - 2:22:40
5. THILL Sebastien FRA TAGEBLATT 6 0:47:03 6 1:03:18 6 2:17:03 - 2:31:29
6. KARIUS Tim TRILUX 7 0:49:18 7 1:05:45 7 2:18:31 - 2:33:09
7. KARONEI David LUX 1 0:45:21 1 1:00:16 5 2:12:51 - 2:34:52
8. REMAKEL Sven ARMY 13 0:52:40 13 1:09:58 8 2:23:02 - 2:37:01
9. WEYER Tom LUX 11 0:51:54 10 1:09:25 9 2:23:54 - 2:39:06
10. SCHROEDER Gaëtan LUX 15 0:52:48 14 1:10:04 10 2:24:24 - 2:39:57