29e édition des 20 bornes de Huningue
2006, 2016... LE CHANT DU BITUME
Huningue est une petite bourgade plantée dans le fin fond de l'Alsace, dans le secteur des trois frontières, là où France, Suisse et Allemagne se tiennent par la main. En ce matin du dimanche 13 mars, c'est là que j'ai choisi de me rendre. Pour une raison simple: régler quelques comptes avec cet enfoiré de destin...

"Courir Solidaire", c'est la devise des organisateurs de l'épreuve des "20km" de Huningue.
La course se déroule sur un parcours absolument plat. Le parcours longe la réserve naturelle
de "la Petite Camargue Alsacienne", tout en restant sur la route, et rejoint ensuite les bords du Rhin
à proximité de "la Passerelle des Trois Pays" (Crédit photo: José Cande)
Huningue et moi, c'est tout une histoire. Tout commence, il y a dix ans, en 2006. Cette année là, début mars, je rentre tout juste d'un stage de trois semaines en Afrique du Sud (à 1600m d'altitude). Là-bas, à l'entrainement, ça ne rigolait pas. Les footings en mode pistard avec Mehdi et Bob (Tahri) ne duraient pas trop longtemps, mais à chaque fois, en 40', on s'enfilait 12 bornes. À coté de ça, sur lasuperbe piste en herbe du centre de Potchefstroom, je sortais de belles séances de fractionnés. Une fois de retour en Alsace, j'étais dans une forme intéressante et je voulais me tester sur la route pour voir ce que ça pouvait donner de beau, d'où l'idée de participer à l'épreuve d'Huningue, un des rares "20 bornes" de France mesuré officiellement et donc homologué FFA.
«1h03'20''», c'était le record de l'épreuve. Ce record, propriété de Guy Nunige, je partais pour le battre. Dimanche 05 mars 2006, dans le petit matin frileux, c'est avec ces chiffres et une stratégie de course en tête que j'ai quitté Strasbourg en voiture pour rejoindre Huningue (situé à 130km plus au Sud). Seulement, manque de bol, je suis resté bloqué sur la A35 à hauteur de Colmar. Au cours de la nuit, 40cm de neige sont tombés recouvrant entièrement le Haut-Rhin. Jamais, je n'aurais pu imaginer un tel scénario. Malgré la vigilance orange météo concernant la région Alsace, chez moi, dans le Bas-Rhin, que dalle, nada, on ne trouvait pas la moindre trace blanche sur le bitume. Finalement, alors que j'étais fin prêt à en découdre, j'ai du rebrousser chemin la mort dans l'âme, me doutant bien, vu l'état des routes, que l'épreuve n'aurait pas lieu. Et, j'avais raison. Cette fois là, les « 20 bornes » de Huningue furent annulés. Cette traînée blanche a tout fait foirer. Les organisateurs ont du raccrocher leur tablier, et moi, je suis rentré à la maison sans avoir pu assouvir ma soif de performance.
Et, maintenant ? Vous devez surement vous demander ce que j'ai bien pu fabriquer pour compenser ce manque d'activité sportive. Et bien, c'est tout simple, je suis rentré chez moi, j'ai enfilé un short, j'ai mis mes pompes de compète et je me suis rendu sur la piste cyclable de La Wantzenau pour me taper une bonne séance au train. Bilan des opérations : 15km en 45'51 (temps de passage entre le 5e et le 15e =30'25). Ce jour là, au bout de l'effort, point de podium. Ni bouquet, ni médaille, pour les braves à la fin du bal. Juste une grande satisfaction personnelle, un sentiment du devoir accompli valant largement monts et merveilles. Ce chrono réalisé en solo prouvait que j'étais dans le vrai. Je ne m'étais pas trompé, ce jour là, j'avais bien le record des 20 bornes de Huningue dans les jambes.
Avec du recul, je crois que je pouvais aller chercher un chrono autour des 1h02'. Mais ça, ça reste une affirmation. Et, plutôt que de le crier sur tous les toits, j'aurai préféré le prouver sur le terrain. Bref, depuis cette petite mésaventure, qui m'a un peu refroidi, je ne suis jamais plus revenu à Huningue, choisissant plutôt de participer au semi-marathon national de Metz. Un semi-marathon au profil sélectif durant lequel, j'étais souvent confronté à une concurrence féroce avec les kényans, les burundais, les polonais et les meilleurs athlètes du grand Est. Pêle-mêle, je citerai Abdelkrim, Larhalmi, David Antoine, Karim Foulouh, Hakim Bagy, ou encore les frères Burrier. Au niveau régional, le semi-marathon de la Wantzenau obtenait souvent mes faveurs (3 victoires en 3 participations). J'ai même, dans un tout autre registre, eu l'occasion de participer au Trail du Petit Ballon, une épreuve affichant 50km-2100D+ (avec la victoire à la clé). Pour réussir une passe de trois intéressante au niveau régional (semi-marathon de La Wantzenau + Trail du Petit ballon + 20 bornes de Huningue), il ne me reste plus qu'une épreuve à remporter, la dernière qui se déroule à la même période, à savoir les 20 bornes de Huningue, d'où l'idée de revenir ici 10 ans après.
Toutefois, il y a un paramètre qu'il convient de prendre en compte. Et oui, mon p'tit père, entre temps, les années sont passées par là. Tout juste dix-ans après ma tentative avortée avant l'heure, le moteur est moins puissant, la foulée déjà bien rasante à l'époque est encore moins aérienne et le physique répond (un poil) moins bien. Par contre, la passion est intacte. L'envie est toujours là, plus forte que tout, plus forte que le doute. Ce parfum de doute, qui empoisonne souvent la vie des athlètes, n'a pas sa place dans ma tête. Alors, OK, j'accepte d'aller moins vite, OK, j'accepte de lâcher quelques secondes au kilo. Mais pas trop non plus, hein. T'as compris, enfoiré de destin ! À l'entrainement ou en compéte, il y a des jours où j'ai 60 balais et d'autres où j'ai 20 ans. Du coup, le fait d'avoir 40 piges, ça équilibre.
Aujourd'hui, nous sommes le dimanche 13 mars 2016. Je viens tout juste de débarquer à Huningue. Et, qu'est-ce qui m'amène ? Surement pas le chant des sirènes. Plutôt le chant du bitume ! J'entends déjà le clap des semelles sur l'asphalte, le souffle rauque des athlètes, le ronronnement, les coups d'klaxons de la voiture ouvreuse et les cris de la foule en furie. Youpi, le chant du bitume m'attire de nouveau à lui !
29e édition des 20 bornes de Huningue
DIMANCHE 13 MARS: LA JOURNÉE DES GRÉGORY
Ce dimanche matin, c'était la rentrée des classes. Traditionnellement, le semi-marathon de la Wantzenau et les « 20 bornes » de Huningue marquent le début de la saison des courses sur route en Alsace. Une fois encore, les coureurs ont répondu présent en grand nombre, aussi bien dans le Bas-Rhin que dans le Haut-Rhin. Cette année, les vainqueurs des deux courses partagent un point commun: leur prénom

Huningue est une commune du Haut-Rhin, posée à deux pas de l'Allemagne et de la Suisse,
dans le "Pays des Trois Frontières" (Crédit photo: ma moitié)
Ce dimanche, tandis, qu'un peu partout à travers l'hexagone, on souhaitait bonne fête à tous les « Rodrigue », sur le bitume alsacien, les « Gregory » étaient à la fête. Le premier, Gregory Basilico, qui s'alignait pour la 1ere fois sur un semi-marathon, s'est, du coté de La Wantzenau, adjugé la victoire face à quelques pointures régionales, tandis que le second, Gregory Schmitt, qui retentait sa chance, après avoir vécu deux expériences douloureuses, a pris une belle revanche, il est cette fois parvenu à dompter le « 20 bornes » organisé par son club de toujours, l'AC Huningue. Tandis qu'une bise glaciale rendait l'effort particulièrement pénible, il a su trouver les ressources physiques et mentales nécessaires pour remporter l'épreuve en me devançant d'une poignée de secondes. De mon coté, je n'ai pas pu faire grand-chose, à part observer de près un athlète en état de grâce.
Dimanche 13 mars. Ce matin là, c'est de bonne heure que Carole et moi prenons la route. Vite, il ne faut pas traîner. Le départ de la course sera donné à 10h00 et Huningue se trouve à 1h30 de Strasbourg. Durant le trajet, la musique distillée par une station de radio locale nous berce, mais c'est pas le moment de piquer un somme. Ce matin, j' viens finir le boulot. Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. Le soleil quitte sa tanière tout doucement. Dieu, que c'est bon de se sentir vivant. Allez, cap sur Huningue pour un nouveau road-trip. Le dopage, c'est pour les baltringues, moi je veux voir c'que j'ai dans les tripes.
Lorsque nous arrivons sur place, une poignée de bénévoles s'activent à la tâche. De coup de main en coup de main, quelques tables de ravitaillement prennent forme. L'arche noire d'arrivée épouse déjà le bitume et les premiers coureurs entrent et sortent de la salle des fêtes. Les premiers dossards sont distribués à l'intérieur de ce lieu chaleureux. Un lieu qui a l'habitude de recevoir des artistes d'un tout autre genre que ceux qui vont et viennent dans ses couloirs ce dimanche matin. Aujourd'hui, sur l'allée qui borde l'endroit, les musiciens qui vont se donner en spectacle n'ont pas amené de guitares, mais leurs semelles vont vibrer en cadence et leurs cœurs vont produire mille et un roulements de tambours. Ils courent, ils courent, les troubadours. Ventiler en compète, c'est comme souffler dans une trompette. Ce dimanche, une drôle de partition va se jouer sur le pavé. Dans les artères d'Huningue et dans les alentours, le chant du bitume va résonner.

Quelques instants avant le départ, en pleine discussion avec les principaux favoris. Le dossard 1 est porté par Guillaume Collombet, qui a remporté par deux fois cette épreuve.
En compagnie de mes deux plus fidèles supportrices
Carole et Haloa, juste avant de partir au charbon
15 minutes avant le coup de feu, je me dirige tranquillement vers le départ pour terminer mon échauffement par quelques lignes droites. Non loin de la ligne blanche, je retrouve et salut quelques connaissances dont Gregory (Schmitt), qui me glisse quelques mots au passage: « Samir, je crois qu'on est partis pour faire un bout de chemin ensemble. Dis-moi, sur quelles bases tu aimerais qu'on parte ? Vas y, dis moi. C'est toi le patron, hein ! » J'apprécie l'attention que me porte ce garçon. Ce Gregory, c'est un brave gars, c'est vraiment quelqu'un que j'apprécie. Franchement, c'est sympa de sa part de venir me voir pour me proposer du soutien. Mais, ça ne m'étonne pas du bonhomme. Avant que je puisse lui répondre, il enchaîne à nouveau sur un ton décontracté : « on pourrait partir, disons, à 3'15/km. Qu'est-ce que t'en dis ? »
Etant donné que nous allons devoir conjuguer avec un méchant vent de face durant toute la 1ere partie de l'épreuve, je préfère partir sur des bases de 3'18/km. Je lui dis ma façon de penser et il approuve d'un hochement de tête. Depuis quelques semaines, un vent pénible nous mène la vie dure, et ce matin encore, il sera de la partie. Cette bise glaciale qui souffle en rafale, il n'y a pas un jour sans qu'elle se fasse ressentir. J'en ai un peu ma claque et je pense que je suis pas le seul dans ce cas. L'ennemi du coureur, c'est le vent. Mais bon, ce matin, il faudra faire avec.
À 5mn du coup de pétard tout le monde se regroupe derrière le ruban en plastique dressé à hauteur de la ligne de départ. À mes côtés, en plus de Gregory (dossard 2) qui semble particulièrement motivé, et, qui, à mes yeux passe pour quelqu'un de persévérant, puisque c'est la 3e fois qu'il s'attaque à la distance après avoir connu deux échecs successifs, on retrouve Guillaume Collombet, le vainqueur sortant, qui porte à juste titre le dossard numéro 1. À ses cotés, on peut apercevoir le franc-comtois Michel Juillard qui écume les courses depuis bon nombre d'années, souvent avec succès. L'humeur est au beau fixe. Tous les quatre, nous échangeons quelques mots. Et, juste avant de partir, chacun se souhaite « bonne course ». L'esprit sportif règne au départ de ce « 20 bornes » Ça fait plaisir à voir.
À 10h00 tapantes, le coup de feu, libérant les troupes, résonne. De suite, Gregory et moi prenons la direction des opérations, menons l'allure et prenons rapidement de l'avance sur les autres concurrents. Durant toute la première moitié de la course, une bise glaciale, soufflant par moment en rafale, nous freine considérablement. Le passage le long de la départementale D469 conduisant vers Rosenau, sera particulièrement pénible à vivre. En ce début de course, les sensations ne sont pas terribles, j'ai vraiment du mal à trouver mes marques, du coup, Gregory accomplit le gros du boulot. Forcement, ça me gène de ne pas pouvoir le relayer plus souvent, mais j'espère pouvoir l'épauler après la mi-course, là où traditionnellement, il éprouve des difficultés.
« P*** de vent de merde !!! » On se le mange en pleine face. Tandis que je sors de mes gonds, mon compagnon de route lance sur le ton de la plaisanterie: « Merde, oui, t'as raison, mais penses au retour l'ami. Penses au retour ! » Comme Gregory, je sais que sur le chemin du retour, le vent sera plus favorable, mais les paroles qu'il distille entre deux bourrasques me font un bien fou au moral. Plus j'avance dans la tempête, plus ces mots tournent en boucle dans ma tête. « Penses au retour l'ami. Penses au retour ! » J'y pense amigo. Crois moi, j'y pense. Et, quand on l'aura dans le dos, ce p*** de vent, j'espère que je vais planer comme un avion. En attendant, j'branche le pilote automatique.
Nous atteignons le 10e km en 33'10 alors qu'un chrono autour des 32'30 aurait été idéal pour lancer la course sur de bonnes bases. Mais bon, le souffle d'Éole ne nous a pas épargné.
Heureusement, par la suite, le courant d'air sera plus favorable et nos temps de passage au kilomètre seront, du coup, bien meilleurs. Cela nous permettra de rattraper une partie du retard accumulé sur les 10 premiers kilomètres. Peu à peu, je me sens mieux, même si c'est pas la forme des grands jours. Je n'arrive toujours pas à me relâcher et ma foulée déjà bien rasante d'habitude, l'est encore plus ce matin. Tandis que je m'époumone à m'en rompre le poitrail, Haloa, notre p'tite mascotte, rencontre un succès fou auprès des spectateurs de tous poils présents sur le bord de la chaussée et Carole butine sur les tables gourmandes de la salle des fêtes. Toutefois, malgré son penchant pour la bonne pâtisserie, je sais qu'elle sera là, tout à l'heure, lorsque je franchirais la ligne d'arrivée.
Quand nous atteignons la borne du 15e, en 49'32, je constate que Greg est toujours dans le coup, j'observe que sa foulée ne s'est pas dégradée, je ne perçois pas de défaillance dans son souffle, et il a l'air solide sur ses appuis. D'habitude, autour du 15e, je parviens à faire la différence mais là, non. Du coup, en attendant des jours meilleurs, je m'accroche du mieux que je peux.
Gregory et moi, en train d'en découdre épaule contre épaule. En l'accompagnant ce
dimanche, je me suis offert une belle séance de train. Sur la photo, la barrière est grande
ouverte pour laisser passer les deux TGV Alsacien. (Crédit photo: Nicolas Fried)
À quatre bornes de l'arrivée, j'interroge un commissaire à vélo, je lui demande de m'indiquer l'écart avec nos poursuivants. Non pas que je doute, mais j'aime pas les surprises, il faudrait pas que ça revienne de derrière en douce. Suite à ma demande, l'homme me répond sur un ton sec: « Vous avez trente les gars ! » Bon, ok, on a «30», mais «30» quoi ? Trente mètres, trente poires ou bien trente secondes d'avance ? Suite à cette réponse un peu farfelue, Gregory réagit et interpelle à nouveau l'officiel, qui après s'être renseigné, nous annonce cette fois «1'30'' d'avance» Là, tout d'un coup, c'est le grand soulagement. Cette fois, c'est sûr, ça ne reviendra pas de l'arrière. On va se disputer la victoire entre nous, à la loyale, rien que Greg et moi. Après l'épreuve, en parcourant les résultats, je constaterais que notre avance était plus conséquente. On devait compter facilement 3 minutes d'avance à 4 bornes du but.
Finalement dans cette course affichant 20 bornes, tout se jouera entre le 17e et le 18ème kilo. À ce moment là, quand mon camarade allongera la foulée, je ne parviendrais pas à lui emboîter le pas. Après le panneau 18, l'écart se stabilisera, mais je n'arriverais jamais à le combler et Gregory conservera un léger avantage, il achevera son effort, les bras levés, en 1h05'56''. Un beau chrono, qui rime avec nouveau record perso.
Ce matin, mon acolyte ceinture noire de judo me devance d'une courte tête. Pas le temps de compter jusqu'à dix, qu'il me verra débouler. Mais pas sur le tatami, sur le tapis d'arrivée. Une accolade, une poignée de main, le meilleur a gagné. Il n'y a qu'un mot à retenir: RESPECT !
J'ai bouclé le parcours en 1h06'04'', soit à 3'18/km, comme prévu. Dans la zone d'arrivée, Carole est là pour m'accueillir, comme toujours. Sur son visage, je lis qu'elle est un peu déçu. C'est normal, son champion a perdu, ça peut se comprendre. Avec des mots, je m'active à lui redonner le sourire et tâche de lui faire comprendre que le sport n'est qu'un jeu, et, que quand on joue, parfois on gagne, parfois on perd. Carole, c'est ma femme, c'est ma chance. Depuis le temps que j'traine sur les routes, j'en ai accumulé des trophées mais sa présence est la plus belle récompense.
Au terme d'un beau mano à mano avec Michel Juillard, Guillaume Collombet, le vainqueur des éditions 2013 et 2015, s'adjuge la 3e place, assez loin du duo de tête formé par Gregory et moi. Le chrono qu'il signe aujourd'hui est moins bon que celui qui lui avait permis de s'imposer lors de la précédente édition (il a tourné en 1h09'31'' contre 1h07'46'' l'an passé). Ce coup ci, les sensations étaient moins bonnes, il devra donc se contenter de ce résultat. Et oui, tout n'est pas toujours rose en course à pied. Mais quoi qu'il advienne, il faut persévérer !
Une poignée de secondes (8'' précisément), c'est ce qui m'aura manqué pour inscrire cette belle « classique » régionale à mon palmarès. Les fous du volant, les amateurs de Go-Fast, et autres gangsters de tous poils, diront surement : « Les Schmitt, vaut mieux les avoir devant soi que derrière ! » Pas faux. Mais le coureur à pied que je suis, préfère les voir loin dans le rétro.
Le point positif, c'est que malgré des sensations pas terribles, je suis parvenu à courir en "negativ-split", c'est à dire à courir plus rapidement la seconde partie de l'épreuve (en 32'54 contre 33'10 pour le 1er 10km), ce qui n'est pas trop mal. Mais bon, je le dois beaucoup à Gregory. Un Gregory en pleine forme qui a parfaitement maîtrisé ce « 20 bornes », lui qui restait sur deux échecs successifs lors des deux dernières éditions. Pensez donc, l'an dernier, il avait terminé l'épreuve en zigzaguant en 1h08' et des brouettes. Alors qu'il occupait seul la tête de course, deux athlètes lui avait filé sous le nez. Il a tout juste pu sauver les meubles en briguant la 3e place du podium.
Mais, la persévérance a fini par payer, puisque cette fois il s'offre la gagne en améliorant de près de 2'30 son record personnel sur la distance. Finalement, sa troisième tentative aura été la bonne. Pour mon plus grand malheur, si on peut dire ça comme ça.
Ayant connaissance de ses déboires passés, je pensais que mon compagnon de route faiblirait après le 15e kilomètre mais en fait pas du tout, il a tenu le choc. Ce matin, Gregory était solide. C'est ça le mot, "solide". Je ne dirai pas qu'il a fait la course de sa vie car je lui souhaite d'en vivre encore plein d'autres comme celle là, mais il a sorti une grosse course. Aujourd'hui, c'était lui le patron. Bravo champion !
Et, pendant ce temps là, du coté de La Wantzenau, c'est un athlète portant le même prénom que le vainqueur d'Huningue, qui a franchit la ligne d'arrivée le premier.
Ce dimanche, sur les routes alsaciennes, c'était le jour des Gregory.
Juste avant le départ, on discute stratégie avec Greg (Crédit photo: Nicolas Fried)
Résultats 29e édition des 20 bornes de Huningue
du 13/03/2016
20 Km Route | M | 20 Km Route | Chr : M | 20000 m
1 1:05:56 SCHMITT Gregory Ac Huningue
2 1:06:04 BAALA Samir Coachingbaala
3 1:09:31 COLLOMBET Guillaume Hericourt Athle Competition
4 1:09:56 JUILLARD Michel Aperam Pont De Roide
5 1:10:44 TSCHAENN Johan Colmar Marathon Club
Les réactions à chaud:
Gregory SCHMITT : « Je m'étais préparé mentalement à une bagarre jusqu'au bout. J'ai serré les dents, ça fait plaisir de courir avec quelqu'un comme Samir. J'en ai bavé, les jambes étaient lourdes, sans force. Heureusement que je n'en ai pas toutes les semaines, des courses comme ça »
Samir BAALA : « Grégory a été solide, il n'aurait pas été juste que je gagne. C'est lui qui a mené quasiment tout le temps. D'habitude, je lâche les autres au 15e kilomètre. Pas cette fois. Bon, il va peut-être falloir que je revienne l'an prochain... »
JOURNAL DNA du 14/03/16
Bravo et merci à Marc Christen, André Breysacher, aux bénévoles, à l'AC Huningue,
ainsi qu'à toute l'équipe en charge de cette épreuve hyper bien rodée
2006, 2016... LE CHANT DU BITUME
Huningue est une petite bourgade plantée dans le fin fond de l'Alsace, dans le secteur des trois frontières, là où France, Suisse et Allemagne se tiennent par la main. En ce matin du dimanche 13 mars, c'est là que j'ai choisi de me rendre. Pour une raison simple: régler quelques comptes avec cet enfoiré de destin...

"Courir Solidaire", c'est la devise des organisateurs de l'épreuve des "20km" de Huningue.
La course se déroule sur un parcours absolument plat. Le parcours longe la réserve naturelle
de "la Petite Camargue Alsacienne", tout en restant sur la route, et rejoint ensuite les bords du Rhin
à proximité de "la Passerelle des Trois Pays" (Crédit photo: José Cande)
Huningue et moi, c'est tout une histoire. Tout commence, il y a dix ans, en 2006. Cette année là, début mars, je rentre tout juste d'un stage de trois semaines en Afrique du Sud (à 1600m d'altitude). Là-bas, à l'entrainement, ça ne rigolait pas. Les footings en mode pistard avec Mehdi et Bob (Tahri) ne duraient pas trop longtemps, mais à chaque fois, en 40', on s'enfilait 12 bornes. À coté de ça, sur lasuperbe piste en herbe du centre de Potchefstroom, je sortais de belles séances de fractionnés. Une fois de retour en Alsace, j'étais dans une forme intéressante et je voulais me tester sur la route pour voir ce que ça pouvait donner de beau, d'où l'idée de participer à l'épreuve d'Huningue, un des rares "20 bornes" de France mesuré officiellement et donc homologué FFA.
«1h03'20''», c'était le record de l'épreuve. Ce record, propriété de Guy Nunige, je partais pour le battre. Dimanche 05 mars 2006, dans le petit matin frileux, c'est avec ces chiffres et une stratégie de course en tête que j'ai quitté Strasbourg en voiture pour rejoindre Huningue (situé à 130km plus au Sud). Seulement, manque de bol, je suis resté bloqué sur la A35 à hauteur de Colmar. Au cours de la nuit, 40cm de neige sont tombés recouvrant entièrement le Haut-Rhin. Jamais, je n'aurais pu imaginer un tel scénario. Malgré la vigilance orange météo concernant la région Alsace, chez moi, dans le Bas-Rhin, que dalle, nada, on ne trouvait pas la moindre trace blanche sur le bitume. Finalement, alors que j'étais fin prêt à en découdre, j'ai du rebrousser chemin la mort dans l'âme, me doutant bien, vu l'état des routes, que l'épreuve n'aurait pas lieu. Et, j'avais raison. Cette fois là, les « 20 bornes » de Huningue furent annulés. Cette traînée blanche a tout fait foirer. Les organisateurs ont du raccrocher leur tablier, et moi, je suis rentré à la maison sans avoir pu assouvir ma soif de performance.
Et, maintenant ? Vous devez surement vous demander ce que j'ai bien pu fabriquer pour compenser ce manque d'activité sportive. Et bien, c'est tout simple, je suis rentré chez moi, j'ai enfilé un short, j'ai mis mes pompes de compète et je me suis rendu sur la piste cyclable de La Wantzenau pour me taper une bonne séance au train. Bilan des opérations : 15km en 45'51 (temps de passage entre le 5e et le 15e =30'25). Ce jour là, au bout de l'effort, point de podium. Ni bouquet, ni médaille, pour les braves à la fin du bal. Juste une grande satisfaction personnelle, un sentiment du devoir accompli valant largement monts et merveilles. Ce chrono réalisé en solo prouvait que j'étais dans le vrai. Je ne m'étais pas trompé, ce jour là, j'avais bien le record des 20 bornes de Huningue dans les jambes.
Avec du recul, je crois que je pouvais aller chercher un chrono autour des 1h02'. Mais ça, ça reste une affirmation. Et, plutôt que de le crier sur tous les toits, j'aurai préféré le prouver sur le terrain. Bref, depuis cette petite mésaventure, qui m'a un peu refroidi, je ne suis jamais plus revenu à Huningue, choisissant plutôt de participer au semi-marathon national de Metz. Un semi-marathon au profil sélectif durant lequel, j'étais souvent confronté à une concurrence féroce avec les kényans, les burundais, les polonais et les meilleurs athlètes du grand Est. Pêle-mêle, je citerai Abdelkrim, Larhalmi, David Antoine, Karim Foulouh, Hakim Bagy, ou encore les frères Burrier. Au niveau régional, le semi-marathon de la Wantzenau obtenait souvent mes faveurs (3 victoires en 3 participations). J'ai même, dans un tout autre registre, eu l'occasion de participer au Trail du Petit Ballon, une épreuve affichant 50km-2100D+ (avec la victoire à la clé). Pour réussir une passe de trois intéressante au niveau régional (semi-marathon de La Wantzenau + Trail du Petit ballon + 20 bornes de Huningue), il ne me reste plus qu'une épreuve à remporter, la dernière qui se déroule à la même période, à savoir les 20 bornes de Huningue, d'où l'idée de revenir ici 10 ans après.
Toutefois, il y a un paramètre qu'il convient de prendre en compte. Et oui, mon p'tit père, entre temps, les années sont passées par là. Tout juste dix-ans après ma tentative avortée avant l'heure, le moteur est moins puissant, la foulée déjà bien rasante à l'époque est encore moins aérienne et le physique répond (un poil) moins bien. Par contre, la passion est intacte. L'envie est toujours là, plus forte que tout, plus forte que le doute. Ce parfum de doute, qui empoisonne souvent la vie des athlètes, n'a pas sa place dans ma tête. Alors, OK, j'accepte d'aller moins vite, OK, j'accepte de lâcher quelques secondes au kilo. Mais pas trop non plus, hein. T'as compris, enfoiré de destin ! À l'entrainement ou en compéte, il y a des jours où j'ai 60 balais et d'autres où j'ai 20 ans. Du coup, le fait d'avoir 40 piges, ça équilibre.
Aujourd'hui, nous sommes le dimanche 13 mars 2016. Je viens tout juste de débarquer à Huningue. Et, qu'est-ce qui m'amène ? Surement pas le chant des sirènes. Plutôt le chant du bitume ! J'entends déjà le clap des semelles sur l'asphalte, le souffle rauque des athlètes, le ronronnement, les coups d'klaxons de la voiture ouvreuse et les cris de la foule en furie. Youpi, le chant du bitume m'attire de nouveau à lui !
29e édition des 20 bornes de Huningue
DIMANCHE 13 MARS: LA JOURNÉE DES GRÉGORY
Ce dimanche matin, c'était la rentrée des classes. Traditionnellement, le semi-marathon de la Wantzenau et les « 20 bornes » de Huningue marquent le début de la saison des courses sur route en Alsace. Une fois encore, les coureurs ont répondu présent en grand nombre, aussi bien dans le Bas-Rhin que dans le Haut-Rhin. Cette année, les vainqueurs des deux courses partagent un point commun: leur prénom

Huningue est une commune du Haut-Rhin, posée à deux pas de l'Allemagne et de la Suisse,
dans le "Pays des Trois Frontières" (Crédit photo: ma moitié)
Ce dimanche, tandis, qu'un peu partout à travers l'hexagone, on souhaitait bonne fête à tous les « Rodrigue », sur le bitume alsacien, les « Gregory » étaient à la fête. Le premier, Gregory Basilico, qui s'alignait pour la 1ere fois sur un semi-marathon, s'est, du coté de La Wantzenau, adjugé la victoire face à quelques pointures régionales, tandis que le second, Gregory Schmitt, qui retentait sa chance, après avoir vécu deux expériences douloureuses, a pris une belle revanche, il est cette fois parvenu à dompter le « 20 bornes » organisé par son club de toujours, l'AC Huningue. Tandis qu'une bise glaciale rendait l'effort particulièrement pénible, il a su trouver les ressources physiques et mentales nécessaires pour remporter l'épreuve en me devançant d'une poignée de secondes. De mon coté, je n'ai pas pu faire grand-chose, à part observer de près un athlète en état de grâce.
Dimanche 13 mars. Ce matin là, c'est de bonne heure que Carole et moi prenons la route. Vite, il ne faut pas traîner. Le départ de la course sera donné à 10h00 et Huningue se trouve à 1h30 de Strasbourg. Durant le trajet, la musique distillée par une station de radio locale nous berce, mais c'est pas le moment de piquer un somme. Ce matin, j' viens finir le boulot. Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. Le soleil quitte sa tanière tout doucement. Dieu, que c'est bon de se sentir vivant. Allez, cap sur Huningue pour un nouveau road-trip. Le dopage, c'est pour les baltringues, moi je veux voir c'que j'ai dans les tripes.
Lorsque nous arrivons sur place, une poignée de bénévoles s'activent à la tâche. De coup de main en coup de main, quelques tables de ravitaillement prennent forme. L'arche noire d'arrivée épouse déjà le bitume et les premiers coureurs entrent et sortent de la salle des fêtes. Les premiers dossards sont distribués à l'intérieur de ce lieu chaleureux. Un lieu qui a l'habitude de recevoir des artistes d'un tout autre genre que ceux qui vont et viennent dans ses couloirs ce dimanche matin. Aujourd'hui, sur l'allée qui borde l'endroit, les musiciens qui vont se donner en spectacle n'ont pas amené de guitares, mais leurs semelles vont vibrer en cadence et leurs cœurs vont produire mille et un roulements de tambours. Ils courent, ils courent, les troubadours. Ventiler en compète, c'est comme souffler dans une trompette. Ce dimanche, une drôle de partition va se jouer sur le pavé. Dans les artères d'Huningue et dans les alentours, le chant du bitume va résonner.


En compagnie de mes deux plus fidèles supportrices
Carole et Haloa, juste avant de partir au charbon
15 minutes avant le coup de feu, je me dirige tranquillement vers le départ pour terminer mon échauffement par quelques lignes droites. Non loin de la ligne blanche, je retrouve et salut quelques connaissances dont Gregory (Schmitt), qui me glisse quelques mots au passage: « Samir, je crois qu'on est partis pour faire un bout de chemin ensemble. Dis-moi, sur quelles bases tu aimerais qu'on parte ? Vas y, dis moi. C'est toi le patron, hein ! » J'apprécie l'attention que me porte ce garçon. Ce Gregory, c'est un brave gars, c'est vraiment quelqu'un que j'apprécie. Franchement, c'est sympa de sa part de venir me voir pour me proposer du soutien. Mais, ça ne m'étonne pas du bonhomme. Avant que je puisse lui répondre, il enchaîne à nouveau sur un ton décontracté : « on pourrait partir, disons, à 3'15/km. Qu'est-ce que t'en dis ? »
Etant donné que nous allons devoir conjuguer avec un méchant vent de face durant toute la 1ere partie de l'épreuve, je préfère partir sur des bases de 3'18/km. Je lui dis ma façon de penser et il approuve d'un hochement de tête. Depuis quelques semaines, un vent pénible nous mène la vie dure, et ce matin encore, il sera de la partie. Cette bise glaciale qui souffle en rafale, il n'y a pas un jour sans qu'elle se fasse ressentir. J'en ai un peu ma claque et je pense que je suis pas le seul dans ce cas. L'ennemi du coureur, c'est le vent. Mais bon, ce matin, il faudra faire avec.
À 5mn du coup de pétard tout le monde se regroupe derrière le ruban en plastique dressé à hauteur de la ligne de départ. À mes côtés, en plus de Gregory (dossard 2) qui semble particulièrement motivé, et, qui, à mes yeux passe pour quelqu'un de persévérant, puisque c'est la 3e fois qu'il s'attaque à la distance après avoir connu deux échecs successifs, on retrouve Guillaume Collombet, le vainqueur sortant, qui porte à juste titre le dossard numéro 1. À ses cotés, on peut apercevoir le franc-comtois Michel Juillard qui écume les courses depuis bon nombre d'années, souvent avec succès. L'humeur est au beau fixe. Tous les quatre, nous échangeons quelques mots. Et, juste avant de partir, chacun se souhaite « bonne course ». L'esprit sportif règne au départ de ce « 20 bornes » Ça fait plaisir à voir.
À 10h00 tapantes, le coup de feu, libérant les troupes, résonne. De suite, Gregory et moi prenons la direction des opérations, menons l'allure et prenons rapidement de l'avance sur les autres concurrents. Durant toute la première moitié de la course, une bise glaciale, soufflant par moment en rafale, nous freine considérablement. Le passage le long de la départementale D469 conduisant vers Rosenau, sera particulièrement pénible à vivre. En ce début de course, les sensations ne sont pas terribles, j'ai vraiment du mal à trouver mes marques, du coup, Gregory accomplit le gros du boulot. Forcement, ça me gène de ne pas pouvoir le relayer plus souvent, mais j'espère pouvoir l'épauler après la mi-course, là où traditionnellement, il éprouve des difficultés.
« P*** de vent de merde !!! » On se le mange en pleine face. Tandis que je sors de mes gonds, mon compagnon de route lance sur le ton de la plaisanterie: « Merde, oui, t'as raison, mais penses au retour l'ami. Penses au retour ! » Comme Gregory, je sais que sur le chemin du retour, le vent sera plus favorable, mais les paroles qu'il distille entre deux bourrasques me font un bien fou au moral. Plus j'avance dans la tempête, plus ces mots tournent en boucle dans ma tête. « Penses au retour l'ami. Penses au retour ! » J'y pense amigo. Crois moi, j'y pense. Et, quand on l'aura dans le dos, ce p*** de vent, j'espère que je vais planer comme un avion. En attendant, j'branche le pilote automatique.
Nous atteignons le 10e km en 33'10 alors qu'un chrono autour des 32'30 aurait été idéal pour lancer la course sur de bonnes bases. Mais bon, le souffle d'Éole ne nous a pas épargné.
Heureusement, par la suite, le courant d'air sera plus favorable et nos temps de passage au kilomètre seront, du coup, bien meilleurs. Cela nous permettra de rattraper une partie du retard accumulé sur les 10 premiers kilomètres. Peu à peu, je me sens mieux, même si c'est pas la forme des grands jours. Je n'arrive toujours pas à me relâcher et ma foulée déjà bien rasante d'habitude, l'est encore plus ce matin. Tandis que je m'époumone à m'en rompre le poitrail, Haloa, notre p'tite mascotte, rencontre un succès fou auprès des spectateurs de tous poils présents sur le bord de la chaussée et Carole butine sur les tables gourmandes de la salle des fêtes. Toutefois, malgré son penchant pour la bonne pâtisserie, je sais qu'elle sera là, tout à l'heure, lorsque je franchirais la ligne d'arrivée.

Gregory et moi, en train d'en découdre épaule contre épaule. En l'accompagnant ce
dimanche, je me suis offert une belle séance de train. Sur la photo, la barrière est grande
ouverte pour laisser passer les deux TGV Alsacien. (Crédit photo: Nicolas Fried)
À quatre bornes de l'arrivée, j'interroge un commissaire à vélo, je lui demande de m'indiquer l'écart avec nos poursuivants. Non pas que je doute, mais j'aime pas les surprises, il faudrait pas que ça revienne de derrière en douce. Suite à ma demande, l'homme me répond sur un ton sec: « Vous avez trente les gars ! » Bon, ok, on a «30», mais «30» quoi ? Trente mètres, trente poires ou bien trente secondes d'avance ? Suite à cette réponse un peu farfelue, Gregory réagit et interpelle à nouveau l'officiel, qui après s'être renseigné, nous annonce cette fois «1'30'' d'avance» Là, tout d'un coup, c'est le grand soulagement. Cette fois, c'est sûr, ça ne reviendra pas de l'arrière. On va se disputer la victoire entre nous, à la loyale, rien que Greg et moi. Après l'épreuve, en parcourant les résultats, je constaterais que notre avance était plus conséquente. On devait compter facilement 3 minutes d'avance à 4 bornes du but.
Finalement dans cette course affichant 20 bornes, tout se jouera entre le 17e et le 18ème kilo. À ce moment là, quand mon camarade allongera la foulée, je ne parviendrais pas à lui emboîter le pas. Après le panneau 18, l'écart se stabilisera, mais je n'arriverais jamais à le combler et Gregory conservera un léger avantage, il achevera son effort, les bras levés, en 1h05'56''. Un beau chrono, qui rime avec nouveau record perso.
Ce matin, mon acolyte ceinture noire de judo me devance d'une courte tête. Pas le temps de compter jusqu'à dix, qu'il me verra débouler. Mais pas sur le tatami, sur le tapis d'arrivée. Une accolade, une poignée de main, le meilleur a gagné. Il n'y a qu'un mot à retenir: RESPECT !
J'ai bouclé le parcours en 1h06'04'', soit à 3'18/km, comme prévu. Dans la zone d'arrivée, Carole est là pour m'accueillir, comme toujours. Sur son visage, je lis qu'elle est un peu déçu. C'est normal, son champion a perdu, ça peut se comprendre. Avec des mots, je m'active à lui redonner le sourire et tâche de lui faire comprendre que le sport n'est qu'un jeu, et, que quand on joue, parfois on gagne, parfois on perd. Carole, c'est ma femme, c'est ma chance. Depuis le temps que j'traine sur les routes, j'en ai accumulé des trophées mais sa présence est la plus belle récompense.
Au terme d'un beau mano à mano avec Michel Juillard, Guillaume Collombet, le vainqueur des éditions 2013 et 2015, s'adjuge la 3e place, assez loin du duo de tête formé par Gregory et moi. Le chrono qu'il signe aujourd'hui est moins bon que celui qui lui avait permis de s'imposer lors de la précédente édition (il a tourné en 1h09'31'' contre 1h07'46'' l'an passé). Ce coup ci, les sensations étaient moins bonnes, il devra donc se contenter de ce résultat. Et oui, tout n'est pas toujours rose en course à pied. Mais quoi qu'il advienne, il faut persévérer !
Une poignée de secondes (8'' précisément), c'est ce qui m'aura manqué pour inscrire cette belle « classique » régionale à mon palmarès. Les fous du volant, les amateurs de Go-Fast, et autres gangsters de tous poils, diront surement : « Les Schmitt, vaut mieux les avoir devant soi que derrière ! » Pas faux. Mais le coureur à pied que je suis, préfère les voir loin dans le rétro.
Le point positif, c'est que malgré des sensations pas terribles, je suis parvenu à courir en "negativ-split", c'est à dire à courir plus rapidement la seconde partie de l'épreuve (en 32'54 contre 33'10 pour le 1er 10km), ce qui n'est pas trop mal. Mais bon, je le dois beaucoup à Gregory. Un Gregory en pleine forme qui a parfaitement maîtrisé ce « 20 bornes », lui qui restait sur deux échecs successifs lors des deux dernières éditions. Pensez donc, l'an dernier, il avait terminé l'épreuve en zigzaguant en 1h08' et des brouettes. Alors qu'il occupait seul la tête de course, deux athlètes lui avait filé sous le nez. Il a tout juste pu sauver les meubles en briguant la 3e place du podium.
Mais, la persévérance a fini par payer, puisque cette fois il s'offre la gagne en améliorant de près de 2'30 son record personnel sur la distance. Finalement, sa troisième tentative aura été la bonne. Pour mon plus grand malheur, si on peut dire ça comme ça.
Ayant connaissance de ses déboires passés, je pensais que mon compagnon de route faiblirait après le 15e kilomètre mais en fait pas du tout, il a tenu le choc. Ce matin, Gregory était solide. C'est ça le mot, "solide". Je ne dirai pas qu'il a fait la course de sa vie car je lui souhaite d'en vivre encore plein d'autres comme celle là, mais il a sorti une grosse course. Aujourd'hui, c'était lui le patron. Bravo champion !
Et, pendant ce temps là, du coté de La Wantzenau, c'est un athlète portant le même prénom que le vainqueur d'Huningue, qui a franchit la ligne d'arrivée le premier.
Ce dimanche, sur les routes alsaciennes, c'était le jour des Gregory.

Juste avant le départ, on discute stratégie avec Greg (Crédit photo: Nicolas Fried)
Résultats 29e édition des 20 bornes de Huningue
du 13/03/2016
20 Km Route | M | 20 Km Route | Chr : M | 20000 m
1 1:05:56 SCHMITT Gregory Ac Huningue
2 1:06:04 BAALA Samir Coachingbaala
3 1:09:31 COLLOMBET Guillaume Hericourt Athle Competition
4 1:09:56 JUILLARD Michel Aperam Pont De Roide
5 1:10:44 TSCHAENN Johan Colmar Marathon Club
Les réactions à chaud:
Gregory SCHMITT : « Je m'étais préparé mentalement à une bagarre jusqu'au bout. J'ai serré les dents, ça fait plaisir de courir avec quelqu'un comme Samir. J'en ai bavé, les jambes étaient lourdes, sans force. Heureusement que je n'en ai pas toutes les semaines, des courses comme ça »
Samir BAALA : « Grégory a été solide, il n'aurait pas été juste que je gagne. C'est lui qui a mené quasiment tout le temps. D'habitude, je lâche les autres au 15e kilomètre. Pas cette fois. Bon, il va peut-être falloir que je revienne l'an prochain... »
JOURNAL DNA du 14/03/16
Bravo et merci à Marc Christen, André Breysacher, aux bénévoles, à l'AC Huningue,
ainsi qu'à toute l'équipe en charge de cette épreuve hyper bien rodée